Dialogue urbain
Sur les parois en béton prolongeant le viaduc Iberville, de chaque côté du boulevard Saint-Joseph, une photo fait face à l’autre, se renvoyant mutuellement l’attention du spectateur. S’installe alors un dialogue silencieux mais puissant, peut-être assez fort pour créer une brèche, un passage venant intercepter la voie publique constamment inondée de voitures qui circulent. Des portraits réalisés sur un lieu, affichés sauvagement sur ce même lieu, ou quand le fond et la forme s’entremêlent.
Ce projet de mise en espace photographique est né d’une volonté de figer l’instant, croquer sur le vif, inscrire un moment dans le temps; installer un dialogue par le biais d’un contenu photographique, où le regard suffit pour évoquer la présence de l’intrigue, le mystère d’un échange sans parole et à distance. En figeant le mouvement, on fige aussi le temps, on marque une pause, on prend le temps de s’arrêter pour observer, regarder, voir.
Le choix du format grandeur nature ou réelle était nécessaire dans ce projet afin de permettre au spectateur de se sentir vite interpelé par l’image rencontrée; se sentir submergée mais en même temps à l’extérieur de l’image, du dialogue. Le public de cet espace est plutôt varié et surtout abondant; peu d’entre eux auront la chance de s’immobiliser plus de quelques secondes devant le projet photographique, qui se fond facilement dans le décor et la faune urbaine. Autre contrainte : les parois de béton servant de support à l’installation sont souvent en proie aux tagueurs et graffiteurs et donc souvent nettoyées ou repeintes. Je suis consciente que ce genre d’affichage en milieu urbain ne peut durer toujours. C’est une stratégie préméditée que m’a inspirée une citation d’Oscar Muñoz :
« J’aime l’idée d’une réalisation qui fonctionne avec l’éphémère, le temporel, qui est inscrit dans l’instant, et qui produit en même temps une impression durable en prolongeant notre expérience de l’œuvre proprement dite. Dans ce sens, elle peut nous toucher plus profondément qu’un discours politique; c’est par sa valeur poétique qu’une œuvre a le pouvoir de transformer un individu. »
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